Un beau roman sur la transmission familiale
Il y a peu de temps, j'ai eu l'agréable surprise d'être contactée par les éditions Hachette Jeunesse concernant leur collection Junior. Un partenariat qui prend, pour moi, l'aspect d'un nouveau challenge, puisque je n'ai chroniqué, jusqu'à présent, que des albums.
Mais ce n'est pas pour autant que je n'aime pas les romans, au contraire... Alors je me suis dit "Pourquoi pas !". Après tout, Ly Lan n'a que 4 ans, certes, mais elle va bien savoir lire un jour... des albums, puis des romans. Alors pourquoi ne pas me faire une opinion sur ses futures lectures ? Et rien que pour moi, c'est enrichissant.
Le défi revêt deux formes : la première étant d'avoir le temps de lire le livre (et oui, entre le boulot, le quotidien et le blog, il ne me reste plus trop de temps pour moi) ; la seconde étant de s'appuyer uniquement sur un texte, car je l'avoue, dans un album, les illustrations me guident beaucoup (mes études en Histoire de l'Art, même lointaines, n'y sont, sans doute, pas pour rien).
Je compte sur vous pour me dire si l'exercice et le roman vous plaisent ;-)
Paulo, jeune garçon de 11 ans, vient de perdre son grand-père Arthur, "Vovô Tuc" comme le surnommaient affectueusement sa famille brésilienne. Après avoir assisté à l'enterrement, Paulo rentre perplexe en voiture, avec son oncle et sa petite cousine Jade. L'occasion pour lui de réfléchir à ce jour bien étrange, qu'il avait imaginé beaucoup plus triste, d'autant que pendant la cérémonie, sa mère enceinte s'est affalée sur le cousin Edouard car le travail avait commencé. Ses parents sont partis directement à la maternité. Paulo va alors rester dans la grande maison familiale en attendant la naissance de son petit frère ou pire, de sa petite sœur !
Du haut de ses 5 ans, Jade, fillette très curieuse, ne comprend pas vraiment ce qu'il se passe. Assommé de questions, Paulo va donc faire preuve de patience et essayer tant bien que mal de lui répondre. Mais pour occuper sa cousine quoi de mieux qu'une partie de cache-cache.
C'est ainsi qu'il pénètre dans le bureau interdit de son grand-père. Une pièce qu'il découvre et qui contient tout un tas d'objets souvenirs gardés précieusement comme dans un musée. Mais voilà que, tout d'un coup, un arbre se met à pousser à l'envers au beau milieu du bureau...
Pendant ce temps, Jade qui a abandonné la partie à force de le chercher, rejoint sa grand-mère Elisa. Toutes deux vont, par l'intermédiaire de photos anciennes, parcourir les histoires, parfois cocasses, de leurs ancêtres. Une remontée dans le temps qui va leur redonner le sourire.
Ce petit roman de 160 pages, qui se déroule au Brésil, se lit très facilement, le style est fluide, plutôt littéraire et donc, pour moi, très agréable. Il est également parsemé de métaphores judicieusement placées.
Il y est, bien évidemment, question de la mort mais sans aucun mélodrame, au contraire, Pauline Alphen donne des pistes de réflexions sans jamais apporter de réponse. Au jeune lecteur de chercher dans ses propres croyances. C'est donc un livre qui prête à réfléchir.
Malgré le postulat de départ, qui est l'enterrement du grand-père, aucune tristesse ne s'en dégage mais plutôt un calme étrangement apaisant. Le cycle de la vie est respecté puisqu'un nouveau-né va arriver.
Mais, pour moi, le propos principal de ce livre est celui de la famille, de ses fondations : "Il montrait que chaque individu est la partie essentielle d'un tout". Que ce soit Paulo caché dans le bureau qui, au travers des objets collectionnés et de l'arbre à l'envers (dont je ne vous dévoilerai pas le secret), se remémore les grandes histoires racontées par son grand-père ou bien Jade, avec sa grand-mère, qui évoquent les petites histoires familiales, il est question de transmission. Paulo fait d'ailleurs très bien la différence entre les histoires vraies, vivantes racontées par ses aïeux et celles inventées par ses parents pour l'endormir le soir ! "Elisa, elle, ne racontait que des choses qui avaient réellement eu lieu. Elle disait qu'à son âge inventer donnait plus de travail que se souvenir."
Cette transmission, qui me semble primordiale à la construction d'un enfant, s'est un peu perdue dans notre culture française. Or, nous sommes ici au Brésil où les liens familiaux semblent être restés précieux. Pauline Alphen est née d'un père français et d'une mère brésilienne. Elle a vécu toute sa vie entre les deux pays et a donc été baignée dans cette double culture. Ce qui se ressent complètement dans le roman puisque les origines françaises du grand-père Arthur revêtent une certaine importance.
Rédigées avec beaucoup d'humour, des notes explicatives sont judicieusement placées en bas de la page correspondante. Elles permettent, l'air de rien, d'en apprendre un peu plus sur la culture et les habitudes brésiliennes.
Le personnage de Paulo m'a vraiment séduite, c'est un enfant plein de bon sens, toujours dans la réflexion ("Si les morts, c'est comme les cicatrices, on les garde à vie."). Mais, il n'en reste pas moins un petit garçon de 11 ans qui garde son insouciance dans les moments éprouvants, ainsi avant l'enterrement avec son père "... on est allé dans un coin, tous les deux, et on a fait pipi au pied d'un arbre. Ensemble. C'était cool."
Et même si cette expérience va le faire grandir, quand il se lance dans une partie de cache-cache, il met tout son cœur d'enfant dans l'instant présent, comme si sa vie en dépendait !
Un petit mot, quand même, sur
les illustrations, car il y en a, réalisée par
Princesse Camcam. La couverture représentant Paulo perché sur son arbre à l'envers, scrutant l'horizon comme s'il y cherchait son avenir, est très poétique. A l'intérieur, des dessins en noir et blanc étoffent le récit. Mon seul regret est qu'elles ne soient pas en couleur.
C'est donc, avec plaisir que j'ai lu ce roman et découvert le style de Pauline Alphen, connue, entre autres, pour sa saga fantastique "Les éveilleurs". Un grand merci aux éditions Hachette Jeunesse pour cette belle lecture et ce nouvel exercice de chronique !
Merci aux éditions
Âge : A partir de 8 ans